6 Juin 2022

Les femmes dans le monde du travail : le cas Heidi Roizen

Dans le monde du travail, une femme qui s’affirme et réussit fait souvent peur à ses homologues masculins. Lever la voix, s’affirmer, tenir tête sont des choses qui semblent anormales pour les femmes lorsque les hommes sont habitués à être craints, vénérés et écoutés. Qu’un semblant de domination soit présent peut être vu comme un terrible affront auquel très peu sont habitués de la part de leur entourage féminin. Nombre de femmes cependant se retrouvent confrontées à des difficultés concrètes et qui ont pour cause tout simplement leur sexe. Et pour preuve, c’est pendant les années 2000 qu’une expérience menée auprès d’étudiants montre concrètement les différences de traitement entre hommes et femmes dans le monde professionnel. Les Discriminations sont une réalité à laquelle les femmes sont confrontées parfois même jusqu’au harcèlement. La Woman Mag revient pour vous sur le cas Heidi Roizen.

Heidi et Howard : la preuve que la différence des sexes joue un rôle

Heidi et Howard, avez-vous déjà entendu parler d’eux ? Non, et bien c’est l’occasion de les découvrir !

Howard Roizen est un ex-entrepreneur en haute technologie, ancien cadre pour la grande pomme Apple et investisseur en capital de risque. Charismatique, entouré d’amis riches et puissants, il fait partie de la haute dans la Silicon Valley. Et pour cause, il n’hésite pas à profiter de son réseau doré pour faire avancer sa carrière envers et contre tous. Howard est perçu comme un homme puissant et efficace.

Deux professeurs d’Harvard présentent donc sur le papier ce fameux Howard à la moitié d’une classe. Les étudiants l’aiment bien. Il représente l’efficacité et semble réellement compétent. C’est clairement le genre de mec qu’on veut avoir comme collègue ou que l’on souhaite embaucher, car il en a sous la dent.

Vient alors le deuxième cas de figure. Howard redevient Heidi pour la deuxième partie de la classe. Née en 1958, la vraie Heidi Roizen est une entrepreneure à succès dans la Silicon Valley. Mêmes caractéristiques, même profil, même carrière, tout est identique à une exception près : leur sexe. Les avis tombent. Heidi ne plait pas. Les étudiants la jugent égoïste, peu aimable. Clairement, peu d’entre eux sont enclins à travailler avec elle. Cette agressivité dans les affaires tant appréciée chez Howard est rejetée par les étudiants.

Cette expérience que des chercheurs ont menée dans la Columbia Business School au début des années 2000, illustre la puissance des préjugés autour des femmes dans le monde professionnel. Une femme qui manque de confiance en elle ne peut réussir, mais si elle a une trop grande confiance en elle, celle-ci échoue aussi. Le cas présent aurait pu ne pas être problématique si l’inverse n’avait pas été observé chez Howard. En effet, c’est pour cette même agressivité qu’Howard est apprécié, là où Heidi est rejetée. Cette expérience met donc en lumière le rôle important que joue la différence des sexes dans la perception d’un profil professionnel. Celle-ci entraîne inévitablement des inégalités à cause de biais cognitifs. Ces biais cognitifs peuvent être définis comme des pensées inconscientes et distordues du monde. Ce sont des visions issues de préjugés. Malheureusement, l’histoire d’Heidi Roizen ne s’arrête pas là, et celle-ci révèle son véritable parcours du combattant en tant que femme entrepreneure.

Le harcèlement au travail

Outre la difficulté à être prise au sérieux, Heidi Roizen est l’exemple parfait illustrant la dure réalité des femmes dans le monde professionnel. Si le fait de ne pas être prise au sérieux semble problématique, cela n’est qu’une partie de l’iceberg. En effet, les difficultés qui peuvent être rencontrées dans sa carrière ne se limitent pas simplement à des préjugés. C’est sur son blog personnel que l’entrepreneure revient sur un fait glaçant de sa carrière, montrant des évènements plus graves survenus durant sa carrière avec ses homologues masculins.

« Au début de l’existence de T/Maker, je travaillais sur un contrat déterminant pour l’entreprise avec un grand fabricant de PC. Nous étions sur la bonne voie pour réaliser environ un million de chiffres d’affaires cette année-là : cette affaire avait le potentiel de rapporter un autre quart de million de revenus, plus des millions de dollars dans les années à venir si tout se passait bien. C’était énorme.

Le vice-président senior du fabricant de PC, qui avait joué un rôle déterminant dans l’élaboration de l’accord, a suggéré que nous allions dîner ensemble à San Francisco pour fêter l’événement. Lorsque je suis arrivée au restaurant, j’ai trouvé un peu gênant d’être assis à une table pour quatre plutôt qu’une table pour deux, mais c’était un restaurant français et cela semblait faire partie du style, alors je me suis assis.

On nous a apporté du vin et nous avons porté des toasts à notre avenir commun. Vers le milieu du dîner, il m’a dit qu’il m’avait aussi apporté un cadeau, mais qu’il était sous la table, et si je voulais bien lui donner la main pour qu’il puisse me le donner. Je lui ai donné ma main et il l’a placée dans son pantalon dézippé. » [1]

Heidi Roizen s’est ensuite enfuie du restaurant et le marché a été annulé. Cette histoire n’est pas un cas isolé et de nombreuses femmes peuvent témoigner d’abus subis au travail. Propos et gestes déplacés sont malheureusement récurrents. Et pour cause, une étude de la Fondation Jean Jaurès révèle que plus de 55% des Françaises ont déjà été victimes de sexisme ou de harcèlement sexuel au travail [2]. Ces chiffres d’ailleurs ne cessent d’augmenter au lieu de diminuer malgré les dénonciations.

Quelles solutions face aux discriminations et aux harcèlements ?

L’ambition des femmes semble se confronter à un véritable mur de pierre, celui du patriarcat. Ivan Jablonka, dans son essai Des hommes justes paru en 2019, définit le patriarcat comme un système où le genre masculin incarne à la fois ce qui est supérieur et reconnu comme universel. Le patriarcat dans le monde du travail représente un véritable frein à une plus grande égalité salariale ou à la présence de femmes dans les postes à haute responsabilité. Il faut savoir que les préjugés sexistes envers les femmes sont aussi souvent perpétués par les femmes elles-mêmes.

Comment pallier ce problème ? Existe-t-il vraiment une solution pour cesser les discriminations et le harcèlement dans le monde du travail ?

Stopper les discriminations face à l’emploi

De nombreuses grandes entreprises ou autres institutions ont fait un pas de géant pour changer les mentalités et cesser les fonctionnements discriminants. Certaines d’entre elles proposent des recrutements anonymes. Les noms, prénoms, photos, sexes sont supprimés des candidatures pour se concentrer uniquement sur les compétences. D’autres entreprises proposent des tests de recrutement, ainsi seuls les résultats comptent. Ces pratiques permettent de réduire les discriminations à l’embauche et favorisent l’égalité des chances pour tous et toutes.

Prévenir le harcèlement

Face au harcèlement, de nombreuses solutions peuvent être mises en place sur les lieux de travail, à défaut de ne pas pouvoir tout contrôler en dehors de ceux-ci.

La sensibilisation et la formation sont des outils aujourd’hui à disposition des entreprises et institutions pour prévenir d’éventuelles formes de harcèlement sexuel. Cette prévention réfrène souvent les harceleurs potentiels en remettant en question leurs pratiques. De nombreuses personnes ont encore du mal à reconnaître les limites du harcèlement. De plus, l’aménagement des bureaux et différents lieux de travail peut être un véritable levier efficace contre de potentiels harcèlements.

Conclusion

Le cas d’Heidi Roizen nous montre à quel point nous pouvons être dirigés par des idées reçues sur les femmes dans le monde professionnel. Une femme qui réussit peut effrayer, paraître antipathique, car elle représente une concurrence inhabituelle ou ne répond pas aux stéréotypes attendus. Qu’importe leur niveau de réussite d’ailleurs, les femmes sont aussi souvent confrontées au harcèlement et aux agressions. Si aujourd’hui les entreprises progressent face aux inégalités et au harcèlement, il reste cependant encore des efforts à faire.