La falaise de verre : cheffe en période de crise
On connaissait le plafond de verre « glass ceiling » pour les femmes en entreprise, une notion apparue au début des années 70 aux Etats-Unis, mais désormais on parle aussi de « falaise de verre » ou « glass cliff ». Différentes études ont montré que les femmes accèdent aux postes de pouvoir et aux postes à responsabilité lors des périodes de crise. Dans ces périodes difficiles en entreprise ou en politique, les femmes qui occupent des postes à responsabilité ont donc plus de chances d’échouer dans leur mission. Voilà la falaise de verre. Les femmes montent de grade, deviennent cadres mais souvent dans des conditions problématiques. Ces promotions qui semblent profitables ne le sont pas forcément et renforcent même la pression qui peut s’exercer sur ces femmes souvent exposées à l’opinion publique.
Qu’est-ce que la falaise de verre ?
En 2005, Michelle K.Ryan et Alexander Haslam, professeurs britanniques en psychologie publient un article intitulé :
« La falaise de verre : Preuve que les femmes sont surreprésentées dans les postes de postes de direction précaires. » [1]
De cette étude part donc ce constat que les femmes sont souvent gradées dans des situations de crise dans les différentes institutions ou entreprises. Et les exemples qui existent sont nombreux et vérifiables. Lorsque tout va mal, c’est aux femmes qu’on demande de prendre le relais.
La falaise de verre est un préjugé caché à l’encontre des femmes occupant des postes de direction. Cela est dû au fait qu’on leur confie souvent la responsabilité de tâches considérées comme à haut risque ou difficiles, en s’attendant à ce qu’elles échouent. Cela peut être dû au stéréotype selon lequel les femmes ne sont pas aussi capables que les hommes d’assumer des rôles de direction.
Cette situation peut conduire à une prophétie auto-réalisatrice, car les femmes occupant des postes de direction peuvent avoir l’impression de devoir faire leurs preuves davantage que leurs homologues masculins.
Ces femmes célèbres face à la falaise de verre
Cette falaise de verre est belle est bien concrète. De nombreux exemples de femmes désormais connues ont été nommées responsables en période de crise durant ces dernières années.
En 2015, Kathleen Wynne a été nommée Première Ministre de l’Ontario au Canada après la démission de Dalton McGuinty dans un contexte de scandale. Elle a été chargée de diriger la province pendant une période financière difficile et qui était exposée à la méfiance croissante du public à l’égard du gouvernement.
En 2017, Theresa May est devenue Première Ministre du Royaume-Uni après la démission de David Cameron suite au référendum sur le Brexit. Elle a eu la lourde responsabilité de négocier le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne, un processus semé d’embûches et défis.
En 2018, Nikki Haley a été nommée ambassadrice des États-Unis aux Nations unies après le licenciement de Rex Tillerson par le président Trump. Elle a été chargée de représenter les États-Unis à l’ONU, à un moment où l’administration Trump fait face à des critiques internationales.
La falaise de verre n’est pas seulement un phénomène en politique. Il a été démontré qu’il se produit également dans les entreprises.
L’exemple le plus fort et qui a réellement illustré l’idée de la falaise de verre est celui de Marissa Mayer à la tête du géant Yahoo.
En effet, en 2012 elle est nommée à la direction au moment où Yahoo était en pleine crise. « Jetée dans le grand bain », sa mission était d’essayer de sauver l’entreprise.
Et malgré tous ses efforts, elle restera cependant dans l’histoire comme le PDG qui n’a pas pu sauver Yahoo. En effet depuis 2012, le cours de l’action de l’entreprise a chuté de 60 %. En 2018, la lancée se poursuit et à la tête du groupe en chute libre, une nouvelle femme est nommée comme directrice générale : Carole Bartz.
Mais alors pourquoi nommer des femmes durant ces périodes de crise ? Peut-on y voir finalement une véritable marque de confiance dans le leadership au féminin ?
Carole Bartz a fait exploser le chiffre d’affaires d’Autodesk, désormais leader mondial dans les logiciels de conception, d’ingénierie et de divertissement en 3D. Le chiffre d’affaires d’Autodesk est passé de 300 millions à 1,5 milliards de dollars. [2]
La falaise de verre existe parce que les femmes sont souvent perçues comme moins capables que les hommes d’assumer des rôles de direction.
La falaise de verre est-elle une mauvaise chose ?
Force est de constater avec l’exemple de Carole Bartz que la nomination de femmes à des postes de direction en temps de crise n’est pas toujours une mauvaise chose. Bien que cela puisse être difficile, cela peut également conduire à de grandes réussites.
Nommer une femme pendant une crise peut être une marque de confiance dans sa capacité à diriger et à renverser la situation. Il existe plusieurs explications possibles de l’existence de la falaise de verre. L’une d’elles est que les femmes sont souvent considérées comme plus compétentes en temps de crise. Différentes causes peuvent être à la base de cette falaise de verre.
Le stéréotype selon lequel les femmes sont plus émotives et donc plus susceptibles de faire preuve d’empathie dans des situations difficiles peut être un argument de nomination à un poste de responsabilité. Autre explication, la nomination d’une femme à un rôle de direction pendant une crise peut aussi être considérée comme un moyen de détourner la responsabilité si les choses tournent mal.
Quelle que soit la raison, la falaise de verre peut être un parti pris évident contre les femmes dans les postes de direction. Il est important d’être conscient de celui-ci afin de pouvoir travailler à le combattre. Cependant on peut aussi le percevoir dans certains cas comme une marque de confiance et un besoin réel de changement autour de la perception des femmes au travail dans les sociétés.