Être serein : c’est avoir l’esprit tranquille, sans agitation.
À l’ère du Coronavirus, est-il possible pour nous de trouver ou de retrouver cette tranquillité, cette quiétude, ce calme ?
Nous vivons depuis quelques mois maintenant un sentiment d’impuissance face à ce virus, qui dépasse même les scientifiques.
Notre rapport à la santé, à la sécurité, notre façon de percevoir le temps et l’espace, les relations sociales, les distances sociales… : tous nos repères ont été chamboulés.
La distance entre l’espace privé et professionnel s’est resserrée, d’une part avec le télétravail, et d’autre part, avec l’impact qu’ont nos angoisses liées à ce contexte, nos émotions, notre vécu personnel sur notre identité professionnelle aujourd’hui.
De multiples incertitudes persistent sur l’avenir, l’évolution du virus, la résolution de cette crise, la réapparition future de ces virus dans le Monde…
L’arrivée du COVID-19 dans nos vies nous reconnecte à notre nature primaire et nous rappelle que nous ne sommes pas immortels, que notre vie est précieuse, que les relations et le lien social sont essentiels à nos vies d’humains.
Ce micro-organisme est venu également pointer un miroir grossissant sur nos difficultés personnelles, alors est-il possible de rester serein face à cette situation ?
La question à se poser en premier lieu serait plutôt : est-il nécessaire de rester serein en permanence face à ce contexte critique ?
Eva Illouz, sociologue, a très bien pointé cette « dictature du bonheur » dans laquelle nous vivons aujourd’hui.
Sa vision de cette « injonction au bonheur » peut être accentuée par l’évolution massive et rapide des nouvelles technologies qui nous offrent un accès au plaisir, au bonheur, à la connaissance « en un seul clic ».
Le revers de cette médaille pour l’humain est que ce « bonheur à portée de clavier » nous maintient dans l’illusion que la normalité serait d’aller bien.
Il ne s’agit pas là d’aller à l’encontre de cette évolution numérique, mais bien de prendre conscience qu’elle nous amène à ancrer la fausse croyance que nous n’avons d’autres choix que d’être heureux en tout temps et tout de suite !
Ainsi, il est temps de réapprendre à apprivoiser nos peurs et à nous rappeler leur fonction et surtout leur utilité.
Sans peur, on ne se protègerait pas, sans peur on ne regarderait pas en traversant la route, sans peur on ne mettrait pas nos masques.
La peur amène à la vigilance, à la prudence donc à notre protection. C’est donc essentiel pour notre vie et notre survie de la ressentir et d’en être à l’écoute.
Alors pourquoi la dissimuler sous le couvercle de notre marmite, de peur qu’elle ne soit vue…cette peur ?
De peur qu’elle ne montre nos failles ?
C’est bien la peur qui nous pousse à l’action ou à l’inaction, c’est grâce à cette même émotion que nous décuplons nos forces et nous adaptons pour nous défendre, alors pourquoi vouloir la rejeter ?
Et la douleur, la souffrance ? Et tous ces sentiments, toutes ces émotions que l’on dit « négatives » associées aux incertitudes de cette crise que nous traversons tous : pourquoi voulons-nous les repousser pour nous sentir toujours sereins, toujours positifs ?
Si la douleur n’était pas, chercherions-nous à nous restaurer, à nous guérir ?
Et, si la souffrance n’était pas, quelle prise de conscience aurions-nous de nos besoins de changements ?
Alors peut-être que c’est bien cela que « l’ère du Corona » vient nous rappeler : réapprenons à apprivoiser aussi bien le plaisir, le bonheur, les réussites que… la souffrance, la douleur, les échecs, les deuils.
Reconnectons-nous à notre nature cyclique d’humain, comme tout élément du monde vivant, fait de croissances et de décroissances.
Réapprenons à envisager tous les angles de vue de notre situation, sans la dramatiser, ni pour autant l’idéaliser ; juste la considérer pour ce qu’elle est, cette crise : faite de ses douleurs et de ses changements.
Prise de conscience faite, réflexions amorcées…voici maintenant le moyen de nourrir votre besoin de passer à l’action pour vous sentir plus serein.e.s face à cette nouvelle ère.
Pour contenter votre curiosité, la clé pour s’ouvrir à plus de sérénité repose sur : le LIEN.
Ce lien pourrait se décliner en trois points clés :
1- Le lien à soi
- Se prescrire du temps pour soi : faire des pauses pour être à l’écoute de ses émotions et de ses besoins ; faire le tri entre ses peurs rationnelles et irrationnelles.
- Continuer à prendre soin de son écologie intérieure: son sommeil, son alimentation, son physique, se nourrir l’esprit de moments de qualité.
- Traiter un seul problème à la fois : ne pas chercher à rattraper le temps que l’on croit avoir perdu au risque de s’épuiser mentalement et émotionnellement dans la vie personnelle comme professionnelle.
Deux concepts à rappeler ici :
- notre cerveau n’est pas multitâche, les neurosciences l’ont démontrées, il est donc important d’appliquer le principe du : « un temps pour chaque chose» ;
- aussi, notre système de veille/sommeil est étroitement lié à celui des émotions, alors, s’occuper de son rythme est essentiel pour continuer à avoir de l’énergie sur le long terme et se sentir apaisé.
Pour s’ouvrir à soi, il existe plusieurs outils d’auto-pratiques qui ne dispensent pas de contacter un thérapeute selon l’intensité de ses difficultés.
Voici une liste non exhaustive d’outils psychocorporels : l’E.F.T. (Emotionnal Freedom Techniques), la cohérence cardiaque, la méditation de pleine conscience. De nombreuses applications numériques offrent ces pratiques : Petit Bambou et Respirelax, par exemple.
2- Le lien à l’autre
- Réinventer les relations sociales avec la distance physique de protection : trouver le juste milieu entre « être prudent » et ne pas rester figé par la peur. Se rappeler qu’on n’attrape pas de virus par un sourire, par un regard, ni même en se disant bonjour.
- Garder en tête que face à ces changements et ce contexte de crise, chaque individu à son propre rythme d’acceptation de la situation. Il est important d’éviter de comparer son ressenti à celui de ses proches ou collègues.
La peur active notre instinct de survie et peut provoquer des comportements agressifs, de la méfiance ou d’autres mécanismes de défense. Tolérance et patience sont donc de mises.
- Les émotions sont communicatives et contagieuses alors prêtez attention à vos proches, enfants, collègues, autant dans ce que vous donnez que dans ce que vous recevez comme émotions.
3- Le lien au Monde
- Rester connecté, s’informer pour comprendre…oui. Mais en choisissant d’accéder à des informations de qualité, référencées scientifiquement et en évitant la surexposition aux médias.
- Se connecter à nos capacités de résilience d’êtres humains. Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, évoque la solidarité comme un « précieux facteur de résilience». Garder en conscience que chacune de nos actions impliquent et impactent autrui autant que nous-même.
Ces préconisations sont, bien entendu, à ajuster à votre contexte et à vos besoins.
L’être humain possède en lui toutes les ressources nécessaires pour faire face à des situations de stress, cependant, il est important de vous faire accompagner par un thérapeute en vous basant sur trois signaux d’alerte :
- à l’intensité de vos émotions dépasse vos capacités à prendre du recul ;
- à la fréquence de vos émotions désagréables est trop importante ;
- à la durée des signaux de détresse psychologique (anxiété, stress, troubles du sommeil, etc.) que vous ressentez perdure dans le temps.
Par ailleurs, des études londoniennes ont démontré que les personnes les plus susceptibles de développer des troubles en situation de pandémie étaient les personnes qui souffraient de troubles psychologiques et psychiatriques en amont du confinement, ainsi que les professionnels fortement exposés au risque de contamination.
J’ajouterai ici les personnes isolées sous-stimulées et celles qui, au contraire, ont été sur-stimulées durant le confinement (les familles nombreuses en espace réduit notamment).
Aussi, les études Coconel (réalisées pour témoigner des effets du COVID-19 et du confinement sur les français) démontrent que les signes de détresse psychologique liés au Coronavirus et au confinement varient selon le sexe, l’âge et les conditions sociales des individus.
Selon leurs résultats, la détresse psychologique est particulièrement élevée chez les jeunes hommes (18 à 35 ans) et chez les femmes de 36 à 45 ans.
Malgré les limites de ces études, ces données nous permettent d’avoir une vigilance particulière sur les personnes à risque autour de nous.
Pour conclure, l’être humain possède en lui la capacité naturelle de s’adapter et se renouveler face à toute situation.
Le tout est d’être à l’écoute de ses émotions, de les partager lorsque l’on en ressent le besoin et de se faire accompagner par un professionnel lorsque l’on est dépassé.
À « l’ère du Corona », il est donc possible de se sentir serein.
L’essentiel est de ne pas chercher à se challenger à vouloir être heureux à tout prix en niant nos ressentis de douleurs, mais de trouver le juste équilibre.
Ce qui nous permet de s’autoriser à aller mal quelques fois pour apprécier tout simplement d’être bien le reste du temps.
Références bibliographiques pour aller plus loin :
*Cabanas, E. et Illouz, E. Happycratie. Comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies. Paris, Broché, 2018.
*Cyrulnik, B. La nuit, j’écrirai des soleils. Paris, Odile Jacob, 2019.